Le regard qui tue – Témoignage

Le regard qui tue

– Témoignage –

Si certaines interprétations vous ouvrent la porte sur une vie plus heureuse, d’autres vous entraînent dans une descente aux enfers! Quelques mots, un regard, peuvent parfois vous faire douter de vous et vous détruire. Voici, avec son autorisation, le résumé du témoignage de Maryse. Je suis certaine que plusieurs d’entre vous s’y retrouveront!

“Je croyais avoir eu une enfance heureuse. Malgré les difficultés matérielles et affectives rencontrées par mes parents, j’ai toujours eu l’impression de pouvoir gérer ma vie. On n’avait pas beaucoup de moyens, mais j’étais fière de soutenir mes parents en étant raisonnable. Je mettais des vêtements qu’on me donnait et m’arrangeais pour n’avoir rien à leur demander. Ils avaient déjà assez de problèmes comme cela. J’ai choisi des études dans le cadre de ce qui m’était permis. Il n’était pas question de faire l’université, mais j’étais déjà heureuse de pouvoir être scolarisée. J’ai déployé mes forces dans une profession où j’étais reconnue pour mes compétences.  Bien intégrée dans mon milieu de travail, j’y trouvais beaucoup de satisfactions, et cela compensait largement les frustrations dans ma vie affective.

Coupée dans son élan

Mon mari était un adulte-enfant. Il savait comment s’y prendre pour tout obtenir de moi. Aujourd’hui, avec le recul, je peux dire qu’il me harcelait. Après la naissance de mes jumelles, se sentant un peu abandonné, il a fait une grave dépression, qui a débouché sur une tentative de suicide et une longue hospitalisation. Ses parents n’ont pas compris et m’ont accusée d’avoir rendu leur fils malade. Le pire des reproches qu’on puisse me faire, ma priorité étant de tout faire pour qu’il soit heureux. J’étais certaine de pouvoir y parvenir, et, jeune trentenaire,  je me battais pour cela.

J’ai continué à tout porter courageusement toute seule, sans aide des familles. Dès son retour à la maison, j’ai continué à faire le maximum, selon mes critères, pour qu’il soit heureux. Je ne voulais pas être méchante avec mon mari comme ma mère l’avait été avec mon père. Je ne lui mettais donc aucune limite, et je me sentais responsable de ses frustrations. Impuissante à le rendre heureux, je me suis épuisée, et j’ai somatisé. Maigrissant, souffrant de partout, sans appétit, j’étais persuadée d’avoir un cancer.

Après quelques examens médicaux, mon médecin m’a fait comprendre qu’il n’y avait rien de grave. “Quelque chose ne va pas dans votre vie?” m’a-t-il demandé. “Non, rien, pour le moment, tout va bien”, lui ais-je répondu. “J’ai eu des problèmes, mais c’est réglé”. Il m’a demandé d’en parler, j’ai raconté. Il a été impressionné. “C’est suffisant pour expliquer vos maux physiques” m’a-t-il dit. Ce qui m’a soulagée: il y avait une explication. Je lui ai dit des choses dont je n’avais jamais parlé à personne, et cela m’a fait du bien de les dire et de voir que ce que j’avais accompli était peut-être au-dessus de mes forces.

Mais il a continué: “Comment est-ce possible que vous ayez pu supporter tout cela? Comment avez-vous pu avoir aussi peu de respect pour vous-même?” Et il m’a fortement conseillé de chercher en moi les origines de mon comportement. Sous son regard, tout devenait mauvais. Je n’étais pas moi. J’avais développé un faux moi! Mon sourire était un mécanisme de défense, ma force de vivre, mon dévouement au travail une fuite, une compensation…. Je devais apprendre à m’occuper de moi, à m’aimer. Je pleurais de ne pas savoir y arriver. Pour moi, ce qui faisait sens, c’est de pouvoir apporter du bonheur autour de moi. Sous son regard, cela devenait pathologique.

La descente aux enfers

C’est ainsi que j’ai commencé ma thérapie. Trois fois par semaine pendant plusieurs années, j’ai remué le passé, j’ai parlé de ce que j’avais vécu à mes parents. Ils sont tombés des nues. Ils ne comprenaient pas! Mes soeurs ne comprenaient pas non plus la manière dont tout à coup j’interprétais notre histoire familiale. Elles ont essayé de me raisonner. Cela a créé de graves disputes, et beaucoup de nouvelles frustrations. J’ai constaté qu’ils ne pouvaient pas m’entendre, ni me comprendre. Je me sentais totalement impuissante à me faire reconnaître d’eux. J’ai perdu le goût au travail. Élever mes filles était devenu une corvée. N’est-ce pas pour fuir mes parents que je m’étais mariée? Et pour faire comme tout le monde que j’avais voulu des enfants? N’aurais-je pas pu devenir plutôt une femme d’affaires voyageant dans le monde entier? J’ai toujours rêvé de voyager et j’étais bonne à l’école!

Ma vie devenait terne, banale, le reflet d’un non-choix! Sous un simple regard, tout mon passé a pris un autre sens, mes souvenirs se sont restructurés autour d’un sentiment de frustration et d’impuissance.  Je n’avais pas eu une enfance heureuse, je n’avais pas été aimée comme j’aurais dû l’être, je n’avais eu aucune liberté de choisir ce que je voulais faire, j’avais joué le rôle de mère pour mes parents… Tout ce dont j’étais fière, tout ce autour de quoi je m’étais construite n’était qu’illusion, injustice, exploitation par des parents toxiques! Je n’avais eu le contrôle sur rien!

C’était le début d’une longue thérapie de 15 ans. J’ai vu différents thérapeutes, j’ai fait des thérapies de groupe, des formations en développement personnel. Plus j’en savais sur moi, plus je voulais travailler sur moi. Les psys que je rencontrais avaient un regard de plus en plus effrayé, ne sachant par où commencer pour me faire digérer tout cela et certains ne voyant pas d’autres solutions que de me placer sous anti-dépresseurs. J’avais l’impression d’être perdue, irrécupérable! J’ai perdu mon travail, mes droits. J’ai quitté mon mari et mes enfants pour suivre un homme d’affaire dans ses déplacements autour du monde. Il m’a dominée et enfermée, isolée… De l’avion à la chambre d’hôtel, je suis devenue comme un zombie, l’ombre de moi-même, dans une nouvelle relation déstructurante. C’était la première d’une longue suite de relations de plus en plus toxiques.

D’autres mots, un autre regard

Une amie m’a conseillé “Victimes d’amour: Après tout ce que j’ai fait pour toi”.  J’ai lu ensuite “Ces femmes qui aiment trop” et le “Harcèlement moral”. J’ai rompu avec mon dernier compagnon. Ayant hérité d’une petite somme de mes parents décédés, j’ai pu m’acheter un appartement et j’ai décidé d’y vivre seule. J’ai arrêté toute thérapie. Et c’est en travaillant par moi-même sur des livres tels que “On gère sa vie, on ne la subit pas”, que petit à petit je me suis reprise en main.

J’ai retrouvé grâce aux réseaux sociaux quelques personnes qui m’avaient connues avant ma descente aux enfers, et notamment une ancienne collègue et amie, qui a écouté le récit de tous mes déboires de ces dernières années. Mon récit mettait de nouveau en avant ce sentiment d’échec, d’impuissance, d’injustice et à ma grande surprise, elle m’a dit quelque chose qu’aucun psy n’a perçu: “Ce qui m’a toujours impressionnée en toi, c’est la manière avec laquelle tu as si souvent rebondi, ton entrain, ta créativité pour trouver des solutions, ton audace”. J’ai vu de l’admiration dans ses yeux, une véritable admiration. Elle était sincère.

Cette admiration m’a surprise, je ne m’y attendais pas du tout. Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle là. C’était la première fois depuis très longtemps que je percevais ce sentiment chez un interlocuteur. Mais je la sentais tellement vraie, tellement forte, qu’elle m’a pénétrée. Ses mots m’ont accompagnée. Petit à petit, ma mémoire a restructuré mes souvenirs autour de ces forces qui m’avaient permis de survivre: la gentillesse, le courage, la persévérance, l’intégrité, l’espoir, l’entrain. Elles étaient là depuis ma plus tendre enfance, elles m’avaient structurée et permis d’accepter ma réalité et d’y trouver une place d’acteur, de me sentir responsable de ma vie. J’ai ré-écrit toute mon histoire autour de ce fil conducteur, et j’ai pu trouver un sens, une cohérence à cette vie qui me semblait si chaotique jusque-là.

Un nouveau départ

J’ai repris contact avec mes filles, j’ai fait la connaissance de mes petits-enfants que je garde… Je vois aussi dans leurs yeux beaucoup d’amour!

Je me sens enfin avancer. Je me récrée un réseau, de petits projets qui me laissent suffisamment de temps pour ne pas passer à côté de ma vie de grand-mère! J’ai retrouvé ma joie et la force qui étaient la mienne avant ce regard de mon médecin!

J’ai du mal d’imaginer ce qu’aurait pu être ma vie si mon médecin avait pu porter ce regard positif, réaliste sur moi il y a plus de 30 ans, s’il avait pu déceler en moi les forces qui me faisaient vivre! Quelques informations objectives sur la dynamique dans laquelle j’étais avec mon mari, sur ma responsabilité dans cette relation perverse, voir concrètement ce que je pouvais changer pour avancer dans ma vie affective… tout cela aurait suffit pour m’aider à traverser la crise dans laquelle j’étais. Je vois des personnes qui ont vécu des choses difficiles comme moi et qui s’en sont sorties avec quelques mots justes arrivés au bon moment! J’ai vu aussi dans les milieux de développement personnel dans lesquels j’ai passé beaucoup de temps des personnes en recherche sur elles-mêmes et en thérapie depuis des années qui sont toujours en lutte contre elles-mêmes. J’en connais beaucoup qui, centrées sur elles-mêmes, ont une vie relationnelle, affective et sociale pauvre…. Elles ne rayonnent pas de bonheur!”

Cette histoire se passe de commentaire. Je vous laisse la méditer… Cette histoire finit bien. Mais ce n’est pas toujours le cas. Certains restent enfermés dans la honte! Certains sombrent dans l’alcool, d’autres se suicident!

Moi-même, je suis une rescapée! C’est pour cela que je mets autant d’énergie dans l’ASBL Réfl’Actions! Je suis heureuse chaque fois que je permets à quelqu’un de rebondir sans prendre le risque d’une thérapie! Je rêve de diffuser le plus largement possible des pensées plus respectueuses de l’humain! J’essaie d’écrire des articles courts, accessibles à tous, pour prévenir! Je compte sur vous pour m’aider à les faire circuler!

Concrètement

Entre nous, quel regard posons-nous sur nos confidences mutuelles? N’avons-nous pas plus souvent le réflexe “psy”: chercher d’où cela vient, voir l’anomalie? Comment voir dans nos proches leurs forces et leur montrer quand ils sont découragés?

Si vous ou un de vos proches avez été victime de ce type de regard, venez raconter votre histoire! Le plus difficile, c’est non seulement d’accepter de s’être trompé, mais aussi d’accepter d’avoir été trompé et instrumentalisé par une personne en qui on faisait confiance. C’est aussi souvent faire l’état des lieux et constater les dégâts! Pour éviter la souffrance d’un tel constat, certains préfèrent continuer à s’enfoncer sur la même voie, parfois en devenant psy eux-mêmes et en utilisant les mêmes procédures.

Ceux qui acceptent de traverser les souffrances d’une telle prise de conscience peuvent retrouver leurs racines, leurs proches et leur joie de vivre! La première chose, c’est peut-être d’en parler.

A propos de l'auteur:

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Régente en mathématique, licenciée en psychopédagogie, sophrologue, auteur de « Victimes d’amour : Après tout ce que j’ai fait pour toi », paru chez Mardaga et de « Stop à l'ingratitude des enfants, conjoints, amis... et à la nôtre ". Pour acheter ce dernier, il suffit de verser 18€50 sur le compte de l'ASBL Réfl'Actions BE37 73205348 3528 avec en communication l'adresse complète de livraison. Vous pouvez aussi soutenir ce site en versant la somme de votre choix sur ce même compte.

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